
Depuis 2020, l’immobilier d’entreprise est entré dans une nouvelle ère. Mutation accélérée des usages, pression réglementaire croissante, hausse des taux d’intérêt, fragmentation des zones tertiaires : le marché se réorganise autour de logiques plus techniques, plus locales, et plus patrimoniales. Dans les métropoles régionales, les immeubles ne répondant plus aux standards ESG ou à la demande post-covid deviennent des actifs à revaloriser ou à repositionner. L’accès au financement s’est resserré, obligeant les opérateurs à structurer autrement les tours de table et à privilégier des montages plus exigeants.
Dans ce contexte mouvant, les stratégies de co-investissement immobilier et de fonds immobiliers privés gagnent en légitimité. Le capital-investissement appliqué à l’immobilier autrement dit le private equity immobilier s’adresse à des investisseurs qui veulent piloter leur exposition, comprendre les actifs détenus, et participer à une création de valeur ciblée. C’est un format qui privilégie la qualité à la quantité, la capitalisation à la distribution, et l’agilité à la standardisation.
Les données le confirment. En 2023, les investissements tertiaires ont chuté de 39 % selon Knight Frank, mais les opérations off-market ont bondi, représentant jusqu’à 70 % des transactions régionales dans certains cas. Cette bascule traduit un recentrage du marché autour de cercles plus restreints, plus structurés, capables de sourcer, d’arbitrer et de financer avec agilité.
Le private equity immobilier s’impose comme une réponse exigeante à un marché devenu plus sélectif, plus technique, plus difficile à lire. Il offre un cadre structuré pour construire une allocation immobilière professionnelle sur le long terme. Sa capacité à créer de la valeur, à organiser une gouvernance contractuelle, à optimiser la fiscalité et à anticiper les mutations du marché en fait un outil à part entière dans l’arsenal de l’investisseur averti.
Ce n’est pas un produit. C’est une stratégie. Et pour ceux qui cherchent à conjuguer maîtrise, sélectivité et performance durable, c’est peut-être la plus cohérente aujourd’hui.
Le private equity immobilier désigne une stratégie d’investissement immobilier professionnel via des structures non cotées. L’investisseur devient actionnaire d’une société généralement une foncière privée qui détient un ou plusieurs actifs immobiliers tertiaires : bureaux, retail parks, entrepôts logistiques, locaux d’activités. Ce modèle se distingue par une gouvernance resserrée, une implication stratégique des associés, et une orientation forte vers la performance à long terme.
Contrairement aux SCPI ou OPCI, le private equity immobilier repose sur une sélection fine des actifs et un calibrage sur mesure de la structuration juridique et financière. L’objectif n’est pas un rendement trimestriel, mais plutôt une capitalisation des loyers et une création de valeur nette via la revalorisation et la cession stratégique des actifs.
Les véhicules les plus courants sont la SCI à l’IS, la SAS et la SLP :
La gouvernance est formalisée dans un pacte d’associés. Il définit les règles de décision, les modalités d’entrée et de sortie, les droits préférentiels éventuels, les obligations de reporting, et le rôle du gérant. Cette architecture juridique permet d’éviter les conflits tout en garantissant la lisibilité de l’opération.
La durée d’un fonds immobilier privé est généralement fixée à 8 ou 12 ans. Elle peut intégrer une clause de prorogation ou des fenêtres de liquidité intermédiaires. La sortie se fait via la vente de l’actif ou l’arbitrage progressif du portefeuille. L’objectif est d’optimiser le TRI net final, souvent visé entre 8 % et 10 % selon la stratégie et le niveau de levier utilisé.
Lorsque les actifs ciblés sont récents et entièrement loués, il est possible de recourir à une quotité de dette importante pour financer l’acquisition des actifs. Tous les ans les loyers perçus permettent de rembourser l’emprunt, l’actif net s'accroît mécaniquement.
Lorsque les actifs ciblés sont sous-valorisés ou obsolètes. Ils font l’objet d’un repositionnement : division de plateaux, travaux de mise aux normes, amélioration des performances énergétiques. Ces interventions visent à capter une nouvelle typologie de locataires et à revaloriser le loyer facial.
Dans certains cas, l’actif est transformé en profondeur. Des bureaux devenus vacants sont convertis en logements ou en établissements de santé. Un entrepôt mal positionné peut devenir un pôle logistique urbain. La création de valeur repose sur une lecture fine des besoins locaux et une ingénierie technique pointue.
Certains fonds intègrent de la VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) pour sécuriser des immeubles neufs à fort potentiel. D’autres interviennent en co-développement avec un promoteur, en finançant la phase de portage. Ces montages permettent d’accéder à des opérations en amont, avec une meilleure marge de négociation.
La prise en compte des aspects fiscaux est un point majeur du private equity immobilier, notamment pour les investisseurs fortement exposés à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Dans certaines configurations, les parts de foncières peuvent être partiellement ou totalement exclues de l’assiette IFI si la société démontre une activité opérationnelle, par exemple via la gestion active d’un portefeuille d’actifs ou l’exploitation directe des immeubles. Une structuration via holding IS permet également d’introduire une couche d’interposition juridique, en limitant les frottements fiscaux..
Le régime mère-fille s’impose comme une mécanique efficace pour remonter les dividendes nets vers la holding de tête : seuls 5 % des revenus sont alors fiscalisés, ce qui renforce la capacité de capitalisation.
Le dispositif 150-0 B ter du Code Général des Impôts est quant à lui un mécanisme particulièrement adapté aux chefs d’entreprise ayant logé leur société dans une holding. En cas de cession de ladite société, ce dispositif permet un report d’imposition de la plus-value de cession réalisée par la holding. Il faut pour cela que la holding réinvestisse le produit de cession réalisé à hauteur de 60% minimum dans une société ayant une activité éligible (marchand de biens par exemple) sous condition de durée minimum de détention (12 mois dans le cadre d’un investissement dans une société ayant une activité de marchand de biens).
Le private equity immobilier s’adapte aisément à des stratégies patrimoniales complexes. Le démembrement des parts entre usufruitier et nu-propriétaire permet d’organiser la transmission progressive du capital tout en conservant le contrôle effectif. Ce montage est souvent utilisé dans les familles disposant d’une holding familiale ou d’un pacte Dutreil, notamment pour éviter une dilution anticipée du pouvoir de décision.
Certains pactes d’associés intègrent des clauses spécifiques pour sécuriser la gouvernance : agrément renforcé en cas de cession, droits de préemption croisés, pactes de conservation pluriannuels. Cette ingénierie contractuelle permet de protéger la stabilité de l’actionnariat, tout en anticipant les enjeux successoraux, notamment dans le cadre d’une transmission intergénérationnelle ou d’un partage entre enfants issus de différentes unions.
Les SCPI (sociétés civiles de placement immobilier) séduisent par leur accessibilité : un ticket d’entrée souvent inférieur à 5 000 €, un rendement autour de 4 % en 2024, et une mutualisation des risques sur plusieurs dizaines d’actifs. Mais cette simplicité a un prix : l’investisseur ne dispose d’aucune visibilité sur les actifs détenus, ni sur la stratégie d’arbitrage. Il subit une dilution de sa gouvernance et une liquidité conditionnée au marché secondaire. Les OPCI, quant à eux, offrent une plus grande liquidité, mais introduisent une composante financière (actions, obligations) qui les expose à une volatilité bien supérieure. Leur performance dépend en partie des marchés financiers, ce qui brouille le lien entre immobilier réel et performance globale.
Les foncières cotées permettent d’investir en Bourse dans des sociétés immobilières (SIIC) dont les actifs sont principalement composés d’immeubles commerciaux. Elles offrent une transparence financière, une cotation continue, et des dividendes réguliers. En revanche, la capitalisation boursière de ces foncières peut s’éloigner fortement de leur actif net réévalué, créant une décorrélation parfois significative.
Certaines foncières de qualité peuvent être sous-valorisées en période de stress de marché, tandis que d’autres voient leur cours gonflé sans lien avec la valeur réelle de leur patrimoine. En 2023, plusieurs grandes SIIC françaises affichaient une décote supérieure à 30 % par rapport à leur valeur d’actif.
Investir seul dans un actif immobilier reste possible, notamment pour les chefs d’entreprise ou les familles disposant d’une surface financière importante. Ce format offre un contrôle total sur les décisions, la fiscalité et le rythme des opérations. Mais il impose une charge opérationnelle importante : sourcing des actifs, négociation des baux, gestion technique, fiscalité... Il expose également à une concentration du risque sur un seul actif.
À l’inverse, le private equity immobilier permet de mutualiser les expertises tout en gardant une gouvernance partagée. C’est une voie médiane entre l’ultra-personnalisation du direct et l’hyper-délégation des produits collectifs standardisés.
Le modèle convient aux investisseurs disposant d’un capital mobilisable (souvent > 200 000 €), d’un horizon de détention long, et d’une volonté d’implication stratégique. Cédants, actionnaires familiaux, dirigeants en diversification, family offices…
Ce format séduit ceux qui veulent éviter la volatilité des marchés financiers, tout en conservant une capacité de pilotage. Il permet d’allier ancrage territorial, vision stratégique, et cadre de gouvernance robuste.
Le private equity immobilier s’impose comme une réponse exigeante à un marché devenu plus sélectif, plus technique, plus difficile à lire. Il offre un cadre structuré pour construire une allocation immobilière professionnelle sur le long terme. Sa capacité à créer de la valeur, à organiser une gouvernance contractuelle, à optimiser la fiscalité et à anticiper les mutations du marché en fait un outil à part entière dans l’arsenal de l’investisseur averti.
Ce n’est pas un produit. C’est une stratégie. Et pour ceux qui cherchent à conjuguer maîtrise, sélectivité et performance durable, c’est peut-être la plus cohérente aujourd’hui.
*Les informations présentées dans cet article sont fournies à titre purement informatif et ne constituent ni un conseil en investissement, ni une recommandation d’achat, de vente ou d’arbitrage.L’investissement en club deal ou en private equity immobilier comporte des risques spécifiques, notamment un risque de perte en capital, un risque de liquidité et un horizon d’investissement long terme.Les performances passées ne préjugent pas des performances futures et ne sont pas constantes dans le temps.Avant toute décision d’investissement, il est recommandé aux investisseurs de se rapprocher de leurs conseils financiers, juridiques et fiscaux afin de s’assurer de l’adéquation de l’opération à leur situation patrimoniale, à leurs objectifs et à leur profil de risque.